La chronique de Mamadou Dian Baldé : La foire d’empoigne autour des résultats du scrutin se poursuit
Le directeur de publication de L’Indépendant-Le Démocrate, Mamadou Dian Baldé a consacré sa chronique de ce dimanche, aux chaudes empoignades qui opposent la majorité présidentielle et l’opposition, autour des résultats des élections locales du 04 février. La témérité du leader syndical, Aboubacar Soumah, qui est en train de faire plier le gouvernement, a aussi retenu l’attention de notre confrère. Cette chronique est servie tous les dimanches sur City fm, en avant-première de l’émission « A vous de convaincre ».
Talibé Barry : Mamadou Dian Baldé, nous présente une chronique intitulée « la foire d’empoigne autour des résultats des élections communales, bien évidemment, se poursuit ». Alors ça renvoie à quoi, M. Baldé ?
Mamadou Dian Baldé : Oui Talibé, on est en plein imbroglio post-électoral, avec la contestation des résultats sortis des urnes, par l’opposition guinéenne. Même l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg), qui a tenu la dragée haute au parti au pouvoir, se dit victime de fraude électorale. Le RPG arc-en-ciel non plus n’approuve pas la manière dont le vote s’est déroulé dans certaines circonscriptions électorales du pays. Comme à Mamou où sa fédération, a d’ailleurs saisi la justice d’une plainte contre l’Ufdg. Parce que non satisfaite des résultats proclamés par la Cacv.
Par la suite, le parti au pouvoir sera débouté par la justice de sa plainte. Celle-ci va ainsi confirmer la victoire de l’Ufdg, dans ce fief que le pouvoir voulait lui ravir coûte que coûte. Cette foire d’empoigne autour des résultats que la Ceni publie au compte-goutte, risque d’en rajouter à la grisaille politique. Si ce n’est déjà le cas. Les incidents enregistrés dans la capitale et dans certaines localités intérieures, au lendemain du vote, illustrent cette atmosphère de surchauffe politique.
Alors Mamadou Dian Baldé, vous avez sculpté ces élections. Vous avez passé au crible une bonne partie, pour ne pas dire la totalité des résultats de ces élections. Et vous, vous pensez que « le pouvoir d’Alpha Condé est dans un trou d’air »
Tout à fait, dans le camp de la majorité présidentielle, on essaie certes de faire bonne mine à mauvais jeu, après leur déconvenue à ces élections municipales. Vu que le RPG arc-en-ciel n’a pas pu passer ses adversaires au fil de l’épée. Alors qu’il s’était juré de ne laisser aucune commune ni à l’opposition, encore moins aux candidats indépendants. Pourtant au vu des résultats, cela donne l’impression que le président Alpha Condé et son parti se sont laissés bercer par l’illusion que le cœur des Guinéens est largement conquis. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Et nous avons vu que toute la mobilisation de l’administration publique, avec les moyens de l’État, aux côtés du RPG arc-en-ciel, ne s’est soldée que par un flop total.
Je dirai qu’à défaut de disposer d’instituts de sondages en Guinée, les résultats de ces élections locales constituent un indicateur « fiable », pour mesurer la popularité du chef de l’État. Ainsi quand on se réfère au score obtenu, par son parti, qui, avec l’Ufdg, se tiennent dans un mouchoir de poche, selon les résultats provisoires, contestés d’ailleurs, par le parti de Cellou, on est en droit de dire que le président est dans un trou d’air.
Et justement, le président dans un trou d’air. Mais cette opposition, pourrait à priori se frotter les mains, vu les résultats qu’elle a réalisés. Pourtant vous trouvez cette opposition à l’épreuve d’une sorte de syndrome de la citadelle assiégée ?
Absolument. Il faut souligner que le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée ( Ufdg ), Cellou Dalein Diallo ne démord pas et demande des comptes à la Ceni, autour des résultats de plusieurs circonscriptions électorales, où le principal parti d’opposition continue de clamer sa victoire. Il s’agit notamment des 4 communes de la capitale, hormis Kaloum, où c’est la liste indépendante de Mme Camara Aminata Touré, qui arrive en tête. Les autres communes de la Basse Guinée, excepté bien évidemment Boffa et Coyah, figurent dans les griefs portés par l’Ufdg. Boffa et Coyah elles, sont tombées, on le sait, dans le giron des candidats indépendants. Ce qui revient à dire, en passant que les listes indépendantes ne s’en sont pas sorties, comme de simples ramasseurs de casquettes.
Pour revenir aux recours portés devant les organes compétents en la manière, il faut préciser que l’Ufdg, n’est pas le seul parti de l’opposition à avoir intenté des actions dans ce sens. L’Ufr, le Bl et bien d’autres formations politiques, qui se sont cassé le nez, dans cette élection, ont aussi porté des recours auprès des juridictions compétentes, que sont les tribunaux de première instance.
La démarche a porté ses fruits pour le parti de Dalein qui, à Fria par exemple, a obtenu un siège de conseiller, suite à la délibération du tribunal. Reste à savoir s’il en sera ainsi dans les autres localités, où des récriminations ont été formulées contre le pouvoir et la Ceni, qui sont accusés d’être de connivence, et d’avoir manipulé les résultats du scrutin, en faveur du Rpg-arc-en-ciel
À force de faire appel au registre de la victimisation, certains observateurs se demandent si l’opposition n’est pas au final, atteinte du syndrome de la citadelle assiégée. Quand on sait qu’elle a pris part à la création de cette Ceni, qu’elle flétrit aujourd’hui. Pour ces observateurs, l’opposition ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Car ayant suffisamment appris de l’expérience vécue, depuis 2010, pour ce qui est de la pratique électorale en Guinée.
Se faisant, elle aurait dû plutôt en prendre de la graine pour se prémunir contre toutes les dérives en matière électorale. Mais au lieu de ça, elle tente de faire pleurer dans les chaumières.
Et vous, puisque vous êtes un chroniqueur, vous avez le nez sous le capot. Du coup la grève des enseignants, vous ne la perdez pas de vue. Et vous parlez de Aboubacar Soumah comme d’un « brave comme Saint George » ?
Oui Talibé, cette expression fait référence au cri de guerre des chevaliers anglais, qui était Saint Georges. D’après la légende, ce chevalier soldat de l’empire romain, réputé pour sa témérité et son courage, qui vécut au 4ème siècle, après J.C, avait réussi à terrasser un dragon. Allégorie de la victoire du bien sur le mal.
Il faut reconnaître que le leader syndical Aboubacar Soumah a fait preuve de bravoure et de témérité, en portant le fer contre le gouvernement, dans ce bras de fer, qu’il est sur le point d’emporter, à l’allure où vont les choses. Ayant réussi à paralyser, quasiment tout le système éducatif guinéen depuis le 12 février. L’opinion a fini par comprendre que la campagne de calomnies, menée contre Aboubacar Soumah, n’était qu’une cabale destinée à le jeter en pâture. Et que les accusations de vol portées contre le même secrétaire général du Slecg, par les bureaucrates syndicaux, que sont Louis M’Bemba Soumah et Dr Sy Savané, ne doivent pas être prises pour parole d’Évangile.
Le gouvernement qui a qualifié dès au départ cette grève d’illégale, allant jusqu’à dire que la démarche de Aboubacar Soumah, visait à envoyer stupidement le corps enseignant au casse-pipe, vient de faire machine arrière. En instruisant l’inspecteur général du travail à prendre langue avec l’aile dure du Slecg. Mohamed Saïd Fofana, ancien Premier ministre, nouveau médiateur de la République, a aussi invité Soumah et ses camarades à une rencontre. Une manière de trouver une porte de sortie honorable dans cette crise que le gouvernement a gérée avec amateurisme.
Car si l’État avait pris en compte les revendications du mouvement porté par Aboubacar Soumah, en acceptant un dialogue franc et sincère, une solution idoine aurait pu être trouvée depuis l’année dernière. Sans qu’on en soit à procéder à un décompte macabre, suite aux violences engendrées par cette crise. Mais hélas, les autorités avaient préféré déshabiller Saint Pierre pour habiller Saint Paul.
En invitant autour de la table de dialogue le clan constitué par Amadou Diallo de la Cntg et Louis M’Bemba Soumah de l’Ustg. En lieu et place des vrais interlocuteurs que sont dorénavant Aboubacar Soumah et Elhadj Portos Diallo, devenus les véritables porte-voix du mouvement syndical guinéen.