En cette année 2024, plusieurs villes de la République de Guinée ont été touchées de plein fouet par l’inondation. Un phénomène qui s’explique non seulement par la forte pluviométrie en Guinée mais aussi des actions néfastes causées par les citoyens eux-mêmes. Dans la sous-préfecture de Mambia, située à 45 kilomètres du centre-ville de Kindia, le constat est alarmant.
Cette localité perchée sur la route nationale N1, a été victime d’une forte inondation. Les dégâts sont énormes et les habitants ne comptent que sur l’aide du gouvernement et des partenaires techniques et financiers pour sortir de cette situation qui leur donne aujourd’hui d’énormes soucis. Notre correspondant basé à Kindia a fait immersion dans cette sous-préfecture. Suivez…
Se trouvant auprès du marigot Soukoun, les habitants de Mambia sont dans l’impasse. Ils ont été durement impactés par des inondations survenues dans la journée du vendredi 6 septembre 2024. Le pont qui se trouve à quelques mètres du bloc administratif de la mairie, a été couvert d’eau et la circulation bloquée.
Selon le maire de cette localité, ce sont les ingénieurs du pont qui n’ont pas fait bien leur travail. « Les causes de cette inondation, c’est que c’est le pont qui est mal positionné, il n’y a que deux voies de sortie et l’eau ne peut sortir convenablement. Ensuite, les ingénieurs chinois ont mis du sable tout juste auprès du pont qui bloque l’eau, ils n’ont dégagé que la devanture du pont et il y a deux fleuves qui se croisent en bas, à savoir le fleuve Khôbêt et Samou. Maintenant, quand Samou est puissant plus que Khôbèt, ça nous cause du souci. Ensuite, il y a un autre marigot sur la colline qui descend aussi. Donc le croisement de tout ça cause des débordements. Les ingénieurs doivent revenir dégager le sable qui est là pour que l’eau puisse couler normalement. », a expliqué Monsieur Thierno Oury Diallo, président de la délégation spéciale de Mambia.
Tout près du pont, un atelier de bois rond a été envahi par des eaux et plusieurs concessions. Des bois emportés et le propriétaire estime sa perte à 25 millions de francs guinéens.
« L’eau est entrée dans notre appartement, on s’est mis à faire sortir nos objets mais malheureusement nous n’avons pas pu faire sortir tout. On avait aussi un important lot de bois pour le commerce, les gens sont venus nous aider mais l’eau a finalement emporté une quantité importante de bois parce qu’il y avait aussi des vies à sauver. A l’atelier, comme dans notre concession, tout est vide. L’eau a emporté tout. Après avoir fait tout le calcul, nous pouvons estimer notre perte à une somme de 25 millions de francs guinéens. Et, aujourd’hui nous ne savons quoi faire, c’est pourquoi nous demandons à l’Etat de nous aider. », dit-il.
Dans le district de Gbinkily, relevant de Mambia, les dégâts sont énormes, plusieurs habitations sont envahies par l’eau. Les habits, des matelas et les sacs d’engrais ont été emportés.
Trouvée en train de faire sortir de l’eau, Fatou Camara a visiblement tout perdu et elle ne sait aujourd’hui quoi faire. « L’eau nous a surpris, on ne pensait même pas que cela pouvait nous arriver. Dans ma maison, j’avais 20 sacs d’engrais, l’eau a tout détruit. Nos sacs de riz, les matelas, nos habits et tout ce qui se trouvait dans la maison sont mouillés et quelques objets détruits ou emportés par l’eau. Ils nous ont octroyé un endroit, c’est là-bas qu’on envoie nos objets pour l’instant. Nous n’avons même pas d’habits à porter. Nous sommes là et nous faisons confiance à Dieu, à l’Etat et aux personnes de bonne volonté de venir nous assister », ajoute-t-elle.
Même constat dans la famille Soumah, toujours dans la localité de GBINKILY.
« Nous étions couchés la nuit avec toute ma famille quand l’eau est entrée dans nos maisons et les 6 concessions ont été débordées par l’eau. On a enregistré d’énormes pertes, tous nos objets qui étaient dans ces maisons sont détruits, même ce que nous mangeons. Nous n’avons aucune solution et nous n’avons pas où aller. Comme vous voyez, jusqu’à présent l’eau continue à pénétrer et c’est pourquoi nous demandons à l’Etat de prendre des mesures urgentes pour nous, sinon nous sommes foutus. », nous a expliqué Fodé Alsény Soumah, père de famille.
Au niveau du marché hebdomadaire de Gbinkily, c’est un désastre total, toutes les activités commerciales sont arrêtées et le marché complètement inondé.
Ibrahima Camara, chef secteur de Gbinkily, donne des détails en ces termes : « Comme vous voyez, c’est un marché hebdomadaire que nous avons construit en attendant l’aide de l’Etat mais aujourd’hui on ne peut pas dire qu’on a un marché, vu ce qui est arrivé ici. A date, nous n’avons pas où chercher le quotidien, c’est ici que tout se passe commercialement. Chaque samedi, ce marché est bondé de marchands mais le samedi passé, personne n’est venu. Tout a été envahi par l’eau et il n’y a pas là où mettre les pieds. C’est pourquoi nous demandons à l’Etat et aux personnes de bonne volonté de nous aider à avoir un marché digne de nom », a-t-il sollicité.
A Koumbassaya, toujours dans la sous-préfecture de Mambia, plusieurs commerçants ont été touchés par ce phénomène d’inondation. C’est le cas de Monsieur Barry, un opérateur économique qui a perdu plus de mille sacs de ciments.
« C’est difficile ce que je vis en ce moment, ce que j’ai perdu vraiment je ne compte même pas parce que ma boutique qui est là il y a 10 tonnes et celle qui se trouve de l’autre côté, j’ai envoyé récemment deux camions et un camion c’est 800 sacs. Donc c’est plus de 1600 sacs que j’ai perdus. L’eau est entrée dans ces boutiques couvrir le ciment et tout devenu dur comme le caillou. L’eau est entrée à partir de 11 heures et cela fait presque trois jours nous continuons à faire sortir de l’eau et il pleut toujours. On n’a rien à faire si ce n’est de demander l’Etat à nous venir en aide car nous avons tout perdu, nous avons quitté Conakry, venir ici pour nous débrouiller et cela nous arrive comme ça, nous ne ferons que demander au général Mamadi Doumbouya et à son gouvernement de nous venir en aide ainsi que les personnes de bonne volonté. », explique-t-il.
Toujours dans les tréfonds de Koumbassaya, une famille a perdu deux cases et elle passe la nuit à la belle étoile. En tirant les foins de sa case, Bafodé Soumah détaille son calvaire engendré par ces séries d’inondations.
« Vous m’avez trouvé je suis en train de défaire ma case. J’ai deux maisons qui ont été détruites par ces inondations, la case de ma femme et celle des enfants plus la mienne. Tout s’est écroulé quand l’eau est montée. Nous n’avons plus là où dormir et cela fait deux jours nous ne faisons que traîner et aucune aide jusqu’à présent. Si ça continue comme ça, je ne sais quoi faire », souligne Bafodé Soumah.
Le pire dans cette localité se trouve au niveau du champ collégial des habitants de Koumbassaya.
Des maniocs, des taros, des bananiers et autres cultures maraîchères ont été complètement détruits par les eaux. M’mah Soumah venue trier le peu de culture qui reste s’est exprimée en ces termes : « C’est ici que nous travaillons, il y a ici toutes nos cultures, nos vies. L’eau est venue ravager tout, des maniocs, des piments, le maïs même nos feuilles tout a été détruit. Ce sont ces inquiétudes que nous avons ici, nous souffrons et nous ne savons quoi faire. Les maisons ont été détruites et là où nous gagnons un peu pour nourrir nos familles est dans cet état, alors là si les autorités ne nous viennent pas en aide, on ne sait quoi faire pour passer cette période de difficultés. »
Au-delà de ces localités visitées, d’autres districts de Mambia sont pour l’instant inaccessibles. Conscient de la situation difficile de sa population, le sous-préfet de Mambia, le lieutenant-colonel Nouhan Oularé attire l’attention de son gouvernement.
« Je remercie le Tout-puissant Dieu et le gouvernement qui veille sur nous. Depuis que l’acte-là s’est passé, la population, la brigade mobile, tout le monde est sorti pour s’entraider. Nous sommes venus aider les populations sinistrées. Pas à Mambia ville seulement, c’est jusqu’à Débélé carrefour, il y a un pont qui a été ravagé carrément par l’eau. A Fomaa, à Fossikhouré, la délégation qui était venue hier a voulu aller voir les faits mais elle n’a pas pu car il n’y a pas d’accès, leur véhicule s’est embourbé en cours de route, donc il se sont retournés. Même pour partir dans des zones touchées, dans les districts notamment c’est des problèmes. Il y a des villages qui ont été ravagés complètement, la population est montée sur des collines, ils dorment là-bas. Donc, nous sommes très inquiets, on lance un appel à l’Etat, aux ONG pour venir secourir la population sinistrée parce que nous-mêmes on a pitié d’elle, les habitants sont sous la pluie. », indique le sous-préfet de Mambia.
Au moment où nous quittions les lieux, aucune mesure urgente n’était prise pour apaiser la difficulté des habitants de Mambia et aucune nouvelle concrète sur l’état des zones inaccessibles.
Aboubacar Dramé, de retour de Mambia
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