Sénégal : les députés suppriment un tribunal anti-corruption décrié

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Les députés sénégalais ont adopté jeudi soir une loi supprimant un tribunal spécial anti-corruption qui n’a pas, selon le gouvernement, « permis d’endiguer la criminalité économique et financière » et était décrié par les opposants comme une juridiction créée pour les « mater ».

La Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) sera remplacée par un pool judiciaire financier (PJF) comprenant notamment un parquet « spécialement compétent » sur la criminalité financière et formé de magistrats spécialisés. Le projet de loi a été approuvé par plus de 120 députés sur les 165 que compte l’Assemblée nationale.

Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a salué « un progrès juridictionnel » avec le PJF, un nouveau dispositif qui « modernise » la lutte contre la criminalité financière qui « s’est complexifiée » d’où, selon lui, des « difficultés » rencontrées par la Crei à cause d’un manque « de ressources humaines, de moyens et de magistrats spécialisés ». La nouvelle loi doit être promulguée par le chef de l’Etat.

La quasi-totalité des députés intervenus se sont réjouis de la suppression de la Crei. Ceux de l’opposition ont critiqué une cour qui rendait une « justice politique » et a été utilisée pour « mater des opposants », ce que nient les autorités.

Des parlementaires sont longuement revenus sur les cas de deux figures de l’opposition, Karim Wade et Khalifa Sall, empêchées de participer à l’élection présidentielle de 2019 à cause de condamnations de la Crei.

Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000 à 2012) a été condamné en 2015 à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite. Ancien ministre d’État sous le régime de son père, il a été gracié en 2016 par le président Macky Sall, et est depuis exilé au Qatar.

Khalifa Sall, maire de Dakar à partir de 2009, a été reconnu coupable du détournement d’environ 2,5 millions d’euros des caisses municipales, et condamné en 2018 à cinq ans de prison. Emprisonné en 2017 et révoqué ensuite, il a recouvré la liberté en 2019, lui aussi à la faveur d’une grâce présidentielle.

Le président Macky Sall, réélu en 2012 pour cinq ans et réélu en 2019 pour sept ans, a déclaré début juillet n’être pas candidat à la présidentielle de 2024. Il a aussi annoncé une prochaine saisie de l’Assemblée nationale pour des réformes électorales devant permettre à Karim Wade et Khalifa Sall de pouvoir se présenter au scrutin présidentiel de 2024.

La Crei avait été instituée par l’ancien président Abdou Diouf (1981-2000) en 1981. Elle est restée pendant de nombreuses années en dormance avant d’être réactivée par le président Macky Sall à son arrivée au pouvoir en 2012. La juridiction a été critiquée par des défenseurs des droits humains qui lui reprochaient notamment l’impossibilité de faire appel de ses décisions.

Afp

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